La Matapédia, portrait d’une MRC attrayante
03 février 2023
Jean-Pierre Perouma
Comment régionaliser l’immigration et améliorer l’attraction quand on est une MRC rurale ? Alors même que le vieillissement de la population, le déficit de main-d’œuvre et de logements sont des préoccupations présentes. Comme de nombreuses MRC rurales, La Matapédia fait face au même contexte et aux mêmes problématiques.
Or, elle enregistre un solde migratoire positif depuis plusieurs années. Comment la Matapédia fait-elle pour relever le défi de l’attractivité ? Pour le savoir, nous avons rencontré, Isabelle Pinard, conseillère en développement, promotion et attractivité et Ihsan Najy, coordonnateur au recrutement et à la rétention. Ils nous présentent les outils et la stratégie qui ont favorisé ce solde migratoire positif.
Un solde migratoire positif depuis trois années
Le solde migratoire de la MRC est passé de +7 personnes en 2018-2019 à +620 en 2020-2021. Isabelle Pinard le souligne d’emblée, à l’image de nombreuses régions, la Matapédia a bénéficié d’un « effet pandémie ». La COVID-19 a entraîné une réflexion sur la place du travail dans la vie de nombreuses personnes. Le télétravail a favorisé l’installation dans des milieux moins urbains et la Matapédia aurait bénéficié de cette « aubaine ». Cependant, la pandémie n’est pas la seule explication à cette attractivité.
Comme de nombreuses régions, la qualité de vie est aussi un élément essentiel quand une personne vient à choisir un milieu de vie. C’est ce qui a poussé Ishan à revenir en région. « Ici, on n’a pas de trafic, et beaucoup de relations humaines. J’aime ça dire bonjour au monde. Les gens se connaissent et on a le temps de se rencontrer, se parler, s’écouter et pour les familles, les services sont proches et nombreux ».
À l’instar de nombreuses régions, la qualité de vie
est un aspect attrayant, mais pour la Matapédia, ce qui la distingue c’est la
synergie des acteurs au cœur d’un territoire accueillant.
Planification et synergie des acteurs : l’ADN du territoire
Isabelle Pinard explique que la MRC travaille avec le milieu depuis de nombreuses années à échafauder des plans en attractivité, ce qui implique une sensibilisation des milieux. C’est un travail de longue haleine puisque durant une quinzaine d’années, le solde migratoire des 18 municipalités de la MRC était négatif.
C’est
une synergie des énergies et des partenaires qui porte aussi cet essor
démographique. Ihsan Najy est arrivé depuis peu sur le poste de coordonnateur
au recrutement et à la rétention.
Cette synergie, il s’y implique et note que les partenaires se parlent régulièrement, que ce soit la chambre de commerce, Place aux jeunes, les élus, le milieu communautaire, etc. Ensemble, le milieu comprend les besoins locaux et des candidats et cherche la meilleure adéquation possible.
La philosophie peut sembler simple : tout nouvel arrivant, immigrant ou non, va vivre des enjeux. Le milieu les connaît, les comprend, les anticipe au mieux pour accompagner les personnes dans leur installation. L’aspect humain de la relation, la connaissance et les liens, l’exigence et la rigueur de l’accompagnement sont autant d’atouts développés depuis des années.
C’est cette intelligence collective, et ce dialogue permanent qui ont construit l’ADN de la MRC et mené à inventer des outils adaptés. Ils sont pensés et mis en œuvre en prenant en compte la réalité du terrain pour améliorer l’attractivité et la rétention.
Des outils adaptés aux outils innovants
Les outils développés dans la MRC sont réellement adaptés au milieu et aux personnes susceptibles de venir s’y installer. Il existe les sites « classiques » de chaque institution avec un onglet pour les futurs matapédiens. Chaque partenaire pouvant recevoir une demande et la transférer si besoin au partenaire le plus pertinent en fonction des missions et moyens de chacun. La complémentarité et l’interconnaissance permettent de ne pas « perdre » les personnes dans un dédale administratif.
Une BD pour sensibiliser
En termes d’innovation, il existe la bande dessinée 100% matapédienne « ImmigRéalité ». Le bédéiste Nick Micho s’est inspiré du vécu d’immigrants pour sensibiliser au parcours migratoire en région. Cela permet aux lecteurs de comprendre ce parcours. La bande dessinée est à consulter sur le site de la MRC et dans chaque bibliothèque du Bas-Saint-Laurent.
La bande dessinée est d’autant plus utile selon Isabelle Pinard que les personnes immigrantes le disent « j’aurais aimé ça l’avoir en arrivant, pour comprendre toutes les étapes que j’allais vivre. Je vais l’offrir à mes amis qui souhaitent immigrer parce que ça va leur être utile ».
La BD se divise en plusieurs chapitres abordant des thématiques concernant ceux qui immigrent et ceux qui accueillent. Le lecteur peut suivre la venue de Kofi qui arrive au Québec en hiver depuis la Côte-d’Ivoire. Il apprend à son arrivée que l’hiver québécois nécessite d’être équipé.
La seconde histoire suit Anisah qui arrive du Maroc avec son conjoint recruté par un employeur du Québec. Au travers de son aventure, on y apprend l’organisation pour s’installer, la découverte du milieu, du territoire et des saisons. Les saisons qui rythment l’humeur, les affres de la vie et la longue marche pour faire sa place qui se conclut à la lumière de l’été et des amis après un hiver plus solitaire.
Ainsi, la BD aborde de nombreuses histoires et sujets tels que : la main-d’œuvre agricole et temporaire, les personnes qui n’ont pas choisi l’exil, en passant par les différences notoires entre les villes et les régions plus rurales.
Que l’on soit immigrant ou accueillant, la BD nous explique le parcours d’humains qui arrivent au Québec par choix ou non, et qui seront les citoyens qui contribueront à l’essor de la région.
« Vous cherchez une qualité de vie dans un milieu extraordinaire, humain, en pleine nature à la mesure de vos talents, venez-nous voir, ça nous fera plaisir de vous accompagner à venir ici chez nous ».
Ihsan Najy
Un balado pour aller plus loin dans le conseil
Pour aller plus loin dans l’accompagnement des personnes, la MRC produit un balado : Je migre en région. Dans la première saison, le balado aborde les sujets du quotidien dans l’adaptation que l’on vivra pour s’installer en région : se loger, se nourrir, s’habiller, l’adaptation sociale, etc. Dans la saison 2, ce sont les témoignages des personnes qui ont vécu cette immigration en région. Les personnes témoignent de leurs défis d’adaptation, partagent leurs trucs et astuces pour mieux faire sa place dans la Matapédia.
Enfin, les « Rendez-vous bouffe et nous! » sont des ateliers culinaires de rencontres intergénérationnels et interculturels qui ont eu lieu en 2019. Les ateliers ont fait l’objet d’une publication sous forme de livre de recettes. Outre les mets internationaux ou québécois à déguster, le livre retrace le plaisir des rencontres. Mais surtout, le lecteur comprend la richesse du maillage des cultures et comment se traduit une vision d’accueil concrètement.
Région éloignée ? La bourse contact : un outil pour se rapprocher !
Quand une personne consulte les outils, prend contact avec les acteurs et souhaite s’installer dans la vallée de la Matapédia, il demeure un obstacle de taille : la distance. Les migrations secondaires (des grands centres vers les régions) nécessitent souvent de se déplacer pour rencontrer les employeurs, se familiariser avec le milieu, etc.
Pour faciliter les rencontres, Ihsan Najy dispose d’un outil pertinent : la bourse contact. C’est une somme de 500 dollars qui peut être allouée à un.e candidat.e qui doit passer des entrevues dans la MRC.
La bourse contact complète avec pertinence la trousse à outils en attraction et rétention de la MRC. Il apparaît clairement que la MRC a travaillé concrètement au rapprochement entre les besoins et attentes du milieu et des personnes accueillies. En effet, la littérature et les études le démontrent. Le marketing territorial ne consiste pas à survendre une région. Il s’agit de la présenter sous ses angles réels et positifs. Il s’agit de connaître les besoins des milieux, rechercher avec les candidats la meilleure adéquation entre leurs désirs professionnels/personnels et les atouts de la MRC.
La Matapédia structure et organise son attractivité depuis plusieurs années. Les acteurs se connaissent et œuvrent en commun avec une vision et un plan d’action structuré. Les acteurs développent un sentiment d’appartenance et ils accompagnent « sur-mesure » les personnes et les milieux. Isabelle Pinard le dit, « si la Matapédia est un lieu qui vous plaît et que vous sentez que c’est un lieu où vous pouvez développer et avoir une place, ça va nous faire plaisir de vous accompagner ».