Vivre en Gaspésie : le pari réussi d’une région
05 février 2023
Anne-Marie Tremblay
Le Saint-Laurent qui s’étend à perte de vue. Un lac aux eaux cristallines. Des sommets à faire rêver les skieurs. Et la nature, spectaculaire. Les campagnes publicitaires qui invitent les citoyens à déménager en Gaspésie sont magnifiques. Mais, au-delà des paysages, c’est toute une communauté qui se mobilise pour attirer et conserver ces nouveaux venus. Une formule qui porte ses fruits.
« Au début des années 2000, la Gaspésie perdait autour de 1000 personnes par année. C’est l’équivalent d’un village. Aujourd’hui, la région a réussi à renverser la tendance. La pandémie a peut-être joué en notre faveur, mais nous sommes quand même la région éloignée qui a connu le plus de succès au cours des dernières années. Et on ose croire que c’est en partie grâce à notre stratégie régionale ainsi qu’à la mobilisation des acteurs locaux », explique Danik O’Connor, directeur de Vivre en Gaspésie.
En effet, cet organisme déploie tous les efforts pour faire rayonner la région et attirer de nouveaux arrivants avec des campagnes de publicité nationales, une présence dans différents salons, la mise en valeur de témoignages de nouveaux arrivants issus ou non de l’immigration, des publications sur les médias sociaux, des campagnes de recrutement ciblées ou des présentations dans des organismes liés à l’immigration, par exemple.
« Dans nos campagnes publicitaires, nous mettons l’accent sur la beauté des paysages, le rythme de vie et l’esprit de communauté, qui constituent le pouvoir d’attraction particulier de notre région »
Danik O'Connor
Crédit : Maude Barriault
Ce sont d’ailleurs ces facteurs qui arrivent en tête de liste des raisons qui ont poussé les nouveaux arrivants à s’installer dans la région, et ce, avant les raisons professionnelles, montre un récent sondage mené auprès de 1 100 personnes installées depuis moins de 5 ans dans la péninsule. Le message semble fonctionner, alors le site de Vivre en Gaspésie est visité plus de 120 000 fois chaque année.
Stimuler le sentiment d’appartenance aussi à mousser l’intérêt pour la région, ajoute le directeur. « On a toujours eu comme philosophie de s'adjoindre les meilleures ressources possibles pour nous aider dans le développement de nos différentes campagnes, nos messages et cette expertise existe dans la région. Donc les campagnes, notre image de marque, tout cela est fabriqué en Gaspésie. Pour déployer notre dernière campagne nationale, nous avons collaboré avec une quarantaine d'acteurs de la région. » De quoi stimuler la mobilisation et la fierté.
Vivre en Gaspésie met aussi les bouchées doubles pour offrir un suivi personnalisé aux travailleurs, en les aidant à trouver un emploi, un toit, une garderie ou même en offrant un soutien financier pour le déménagement, entre autres.
Résultats ? Les nouveaux arrivants ont répondu à l’appel en grand nombre. « Nous sommes la région dite éloignée ayant connu le plus de succès au cours des six dernières années, alors que nous enregistrons un solde migratoire positif depuis 2016 », fait valoir Danik O’Connor. Selon cette donnée de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ), qui calcule la différence entre le nombre de personnes qui sont arrivées sur le territoire et le nombre de personnes qui en sont sorties au cours de l’année, la région s’est enrichie de 2 907 nouveaux arrivants pour un seuil migratoire positif de 1 378 habitants en 2020-2021, un record. En 2021-2022, ce nombre atteignait 2 398 nouveaux arrivants pour un seuil migratoire positif de 742.
La concertation au menu
De la même manière, Vivre en Gaspésie compte sur une cinquantaine de partenaires, comme des acteurs municipaux, des organismes communautaires ou de grands employeurs. « L’une de nos conseillères participe aussi à toutes les tables qui ont un lien avec la démographie ainsi qu’à différentes instances de concertation régionale. Ce contact nous permet d’être à jour, cohérents et d’éviter les dédoublements. Car il faut que nous soyons au courant de ce qui se passe », poursuit Danik O’Connor.
C’est d’ailleurs pour répondre à une préoccupation du milieu qu’a été lancée, en juin dernier, l’initiative « S’investir en Gaspésie », en partenariat avec le Regroupement des MRC de la Gaspésie. « L’engouement est tel qu’il manque de logements et de places en garderie pour ces nouveaux arrivants », souligne Mathieu Lapointe, qui préside ce regroupement en plus d’être maire de Carleton-sur-Mer et préfet de la MRC Avignon. La campagne permet donc de décupler les efforts pour inciter les promoteurs à investir dans du locatif. « Les citoyens sont aussi invités à mettre l’épaule à la roue, en ajoutant un logement à leur propriété », donne-t-il en exemple.
Une communauté mobilisée
Bref, pour Vivre en Gaspésie, la démographie, c’est l’affaire de tous. Une philosophie qui prévaut aussi pour l’accueil et l’intégration des immigrants. « Il ne faut pas oublier que la Gaspésie s’est bâtie au fil de vagues d’immigration, ce qui fait en sorte que la communauté est très ouverte », rappelle Daniel Côté. À preuve, chaque fois que le SANA, organisme responsable de l’accueil et de l’intégration des immigrants, met en ligne le portrait d’un travailleur né en dehors du pays, plusieurs manifestent le désir de le rencontrer. « Ces publications sont parmi les plus populaires et rejoignent autour de 1000 personnes chaque fois », mentionne Fanny Lamarre, coordonnatrice du SANA de la MRC du Rocher-Percé.
Chaque mois, des activités à l’intention des nouveaux arrivants sont aussi à l’horaire pour faciliter la création de liens, comme une séance d’initiation au patin ou encore la visite d’un marché fermier. Ce sont souvent les organisateurs de ces événements qui contactent le SANA pour inviter ces nouveaux venus à participer. « Plus de gens de la communauté intéressés à les rencontrer. Une autre fois, c’est un élu qui nous a aidés à trouver des patins pour qu’ils puissent s’initier à ce sport, raconte la coordonnatrice. Et plusieurs personnes nous contactent quand ils ont un matelas ou un frigo à donner. »
Crédit : Pierre-Yves Laroche
Même les commerçants locaux mettent la main à la pâte. « Chaque nouvel arrivant, qu’il soit immigrant ou non, reçoit une carte privilège qui lui permet d’obtenir des rabais ou des gratuités dans une cinquantaine de commerces, explique Fanny Lamarre. Cela peut être un rabais de la municipalité pour aller à la patinoire, pour du poisson fumé dans un petit fumoir ou pour une entrée à la base de plein air. » Cela permet à ces nouveaux résidents de découvrir de petits commerçants, mais aussi de poser des questions, d’engager la conversation avec les employés de ces organisations certifiées accueillantes.
Les travailleurs immigrants ont aussi droit à un service très personnalisé, comme des visites d’exploration individuelles ou en famille, du soutien pour trouver un logement ou une place en garderie, une mise en contact avec certains employeurs, des rencontres d’accueil… « Si on sait qu’une personne aime faire de la voile ou de la musique, on va aussi les mettre en contact avec des groupes qui partagent la même passion. »
Bref, tout est en mis en œuvre pour donner envie à ces travailleurs de s’installer dans la région et d’y rester. « Je pense que le secret de notre succès, c’est le fait de ne pas lâcher et de travailler sur différents axes complémentaires, comme l’attraction, la valorisation et l’intégration », résume Danik O’Connor. Une recette gagnante bâtie au fil du temps.