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Intégration sociale

Les défis de la francisation en région

Véronique St-Gelais

Dans les centres urbains comme en région, la francisation des personnes immigrantes est un élément essentiel de l’intégration dans toutes les sphères de leur nouvelle vie au Québec. La région de Thetford offre différentes formules de cours de francisation en classe, en ligne ou en milieu de travail. Seules les institutions publiques d’enseignement y dispensent actuellement une offre de formation adaptée non seulement aux besoins des apprenants, mais aussi aux défis du milieu.

Le Centre de services scolaire des Appalaches (CSSA) offre ainsi des formules adaptées d’apprentissage du français parlé et écrit aux personnes immigrantes : à temps plein ou à temps partiel, de jour ou de soir, à distance avec soutien, pour les enfants du primaire, les jeunes du secondaire et du post-secondaire et les adultes. Afin d’offrir un meilleur service, le CSSA s’est donc doté d’un guichet unique pour l’inscription de tous les élèves ayant des besoins de francisation, de même que des étudiantes et des étudiants internationaux. Après son inscription, le niveau de compétence langagière de l’élève est évalué pour le classer dans le bon palier d’apprentissage.

Pour les élèves du primaire et du secondaire, le CSSA propose un modèle d’intégration directe en classe ordinaire avec soutien. « Les élèves non-francophones sont donc intégrés directement à la classe ordinaire et suivent l’ensemble de leurs cours principalement avec des locuteurs francophones du même âge. La nature, la fréquence et la durée des services d’accueil et de soutien à l’apprentissage du français varient selon les besoins des élèves. » [1] Ainsi, les élèves non-francophones du primaire bénéficient d’un jour complet de francisation par semaine, alors que les jeunes non-francophones du secondaire ont droit à une heure de francisation par jour. Si les premiers sont transportés gratuitement à l’école d’attache de l’enseignante-responsable, les seconds reçoivent le service dans leur propre école. Il en va de même pour les jeunes qui fréquentent des écoles-satellites dans les milieux ruraux, où une ressource se déplace pour leur offrir 5 heures de francisation par semaine.

Bref, le modèle hybride adopté par le CSSA permet « de se familiariser rapidement avec l’ensemble des programmes d’études, selon l’ordre d’enseignement, d’acquérir de manière intensive la langue particulière aux différentes disciplines, de vivre une intégration scolaire soutenue, d’être exposés quotidiennement à de nombreux repères culturels, de tisser des liens avec des locuteurs francophones, d’acquérir rapidement un sentiment d’appartenance à la société d’accueil et de fréquenter plus souvent leur école de quartier. » (Québec, 2014)

Si la francisation des jeunes est bien organisée, il en va de même de celle des adultes. Le Centre d’éducation des adultes (CÉA) L’Escale du CSSA accueille présentement 140 élèves actifs, à temps plein et à temps partiel, soutenus par 6 enseignants à temps plein. Pour sa part, le Service aux entreprises (SAE) du CSSA, qui offre de la francisation à distance adaptée pour les travailleuses et les travailleurs étrangers temporaires, compte actuellement 188 élèves actifs pour 13 enseignants à distance. Le programme du SAE est basé sur 10 heures de formation par semaine, soit 8 heures d’auto-formation à l’aide d’une application en ligne et de matériel pédagogique, puis 2 heures de formation en présence d’un enseignant en classe physique ou virtuelle. Les groupes sont habituellement formés d’un maximum de 5 élèves afin de favoriser l’interaction et maintenir un service personnalisé.

Bref, le programme à distance du SAE a été adopté afin de faciliter l’intégration autonome de l’apprentissage du français en fonction de l’horaire et du lieu de résidence des travailleurs. À la demande de quelques entreprises du milieu, le SAE offre également des cours de francisation directement dans leurs installations. Un enseignant s’y déplace alors pour dispenser ses heures de classe dans les salles de réunion des entreprises, tout en ayant accès à l’équipement nécessaire pour le faire. Pour les entreprises plus éloignées des centres de formation, la formule assure non seulement la fréquentation scolaire des travailleurs qui n’ont pas encore de véhicule, mais surtout leur participation en classe. Chez Bercomac, entreprise de fabrication de produits et d’accessoires pour les tracteurs de la municipalité d’Adstock, « la formule est efficace; la francisation des travailleurs est payée et les cours sont offerts en partie sur leurs heures de travail, ce qui fait en sorte que les élèves sur place peuvent ensuite se remettre au travail », exprime Yannick Savard, conseiller en ressources humaines. Cela permet aussi à l’entreprise de faire équipe avec le SAE pour assurer le suivi de la progression de l’apprentissage des travailleurs chaque mois.

Mais en réalité, « il est difficile de maintenir l’assiduité, la motivation et la ponctualité des travailleurs », souligne Meggie Vallée, conseillère pédagogique en francisation au CSSA, notamment parce que « les enjeux ne sont pas académiques, mais plutôt en lien avec l’intégration sociale du travailleur et de sa famille », ajoute Caroline Leblond, elle aussi conseillère pédagogique en francisation au CSSA. Même si le CSSA bénéficie d’une belle collaboration avec les entreprises et les organismes du milieu, les élèves ayant généralement établi un lien de confiance avec leurs enseignants se fient sur une offre de services complémentaires dispensée par défaut dans leurs écoles. C’est pourquoi le CÉA dispose maintenant d’une ressource en éducation spécialisée à temps plein pour soutenir l’intégration des élèves adultes issus de l’immigration; celle-ci leur vient en aide pour des questions liées au travail, à la situation financière, au statut d’immigration, à la famille, à l’accès aux soins de santé, etc.

Le Centre de formation professionnelle (CFP) Le Tremplin, qui accueille présentement 45 étudiantes et étudiants francophones provenant de l’international, a également une ressource en éducation spécialisée pour eux à raison de 9 heures par semaine. De plus, « les étudiants internationaux du CFP sont également référés aux cours du soir du CÉA pour faciliter leur compréhension du français québécois et leur intégration dans la communauté, en plus de bénéficier de l’allocation de formation du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) du Québec pour soutenir leur capacité financière », indique Meggie Vallée. En effet, autre clientèle, autres enjeux : bien qu’ils doivent prouver leur autonomie financière, les étudiants internationaux du CFP peinent à subvenir à leurs besoins et à obtenir un emploi à temps partiel pour boucler leur budget. Sans compter que pour fréquenter l’école et travailler, il faut pouvoir se déplacer dans une région où les rares options de transport collectif ne sont malheureusement pas adaptées à tous les besoins.

Bien que la région de Thetford tire avantageusement son épingle du jeu en matière de francisation et de services complémentaires, la situation n’est pas encore parfaite. Il reste encore beaucoup de travail de concertation à faire dans la MRC des Appalaches afin de répondre aux besoins toujours criants des personnes immigrantes et de leurs familles. Les différents acteurs du milieu développent de plus en plus une préoccupation pour celles-ci, car leur présence grandissante est une réalité à laquelle tous doivent s’adapter. Il en va non seulement de l’accueil, de l’intégration et de la rétention des personnes issues de l’immigration, mais également du mieux-vivre ensemble en communauté.

[1] QUÉBEC. MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION, DU LOISIR ET DU SPORT. Cadre de référence. Accueil et intégration des élèves issus de l’immigration au Québec. 2. Organisation des services. Québec, 2014, 28 p.